mardi 20 décembre 2011

sh'ma Yisroël ,שמע ישראל...



Dans le risque d'illusion spirituelle lié à la pratique intensive de la prière de Jésus il faut  mettre l'accent sur le problème "d'attente  de résultats sensibles" qui peut être source d'illusion spirituelle ou simplement de détresse et blocage spirituel. Il faut seulement invoquer, et écoutez l'invocation, qu'elle soit intérieure ou vocale pour se centrer sur elle. En fait l'écoute est fondamentale, après tout c'est bien le premier mot du "Chema Israël".
Seulement invoquer et écouter, si l'écoute se porte sur autre chose, monologue intérieur ou bruit extérieur il faut revenir à l'écoute de la prière. Tout le reste, pensées ou sensations, ne sont pas à rejeter, ce qui provoquerait encore un risque d'agitation, mais à laisser, pour revenir seulement à l'écoute de la prière dans son jaillissement brut et limpide. Ne s'attacher à rien d'autre qu'au Nom, ne pas retenir même la sensation la plus délicieuse, car alors ce n'est plus  le Seigneur Un que l'on aime de tout son cœur, de toute sa force et de tout son esprit, (suite du "Chema Israël") mais la sensation ou la vision dont se repait notre pensée déchue pour alimenter l'ego séparé et la philautia, l'amour de soi qui nous sépare encore davantage du Christ notre Dieu.
Le résultat de la prière, c'est le Nom lui-même... simplement, dans sa pureté native, et ce que représente ce "simple" mot, le Nom théanthropique de Jésus dans son jaillissement originel, cette icône verbale de la présence divine et du Nouvel Adam, nul ne saurait le sonder. On est aux confins de la magie et même de l'alchimie, dirai-je, un brin provocateur, une magie qui n'attend rien d'autre que le Christ, la magie du retour au "in principio erat Verbum".
Quant-à la bénédiction d'un père spirituel pour pratiquer, elle est souvent, sinon toujours, vivement conseillée par l'Église. Mais où trouver un starets en nos contrées ? J'ai simplement un confesseur et longtemps cette question m'a taraudé : "je pratique sans la bénédiction et la conduite éclairée d'un père spirituel, ne vais-je pas tomber dans un trou ?", sachant tout de même que si je suis guidé par un guide aveugle (et il y en a même, hélas, dans l'orthodoxie), je risque aussi de tomber dans un trou, ou pire... puis je suis tombé finalement sur ce passage dans la philocalie, passage de Nicéphore le moine, où plutôt peut-être Nicéphore l'unifié :


"Cette grande œuvre entre les grandes œuvres est donc donné à beaucoup, sinon à tous, à partir d'un enseignement. Rares, en effet, son ceux qui, sans avoir été enseignés, l'ont reçue de Dieu par la force de leur travail et la ferveur de leur foi. Et ce qui est rare n'est pas loi. Il nous faut donc chercher une guide sûr, afin d'apprendre de lui, et de nous représenter par la forme de son témoignage, les manques d'attention qui nous menacent à droite et à gauche, et aussi, j'ajoute, les excès où nous mène le malin. Un tel guide nous éclaire par l'expérience de ce qu'il lui-même souffert dans ses épreuves. [...] Si tu n'a pas de guide, il faut te donner la peine de chercher.  MAIS SI TU NE TROUVE PAS, INVOQUANT DIEU D'UN ESPRIT BRISÉ ET DANS LES LARMES, ET LE SUPPLIANT DANS TA PAUVRETÉ, FAIS CE QUE JE TE DIS...

Et Nicéphore donne alors sa fameuse technique psycho-physiologique basée sur l'attention à la respiration. Cela m'a interrogé. On nous met déjà en garde contre une pratique, disons, intensive de la prière de Jésus, alors pour ce qui est des techniques psycho-physologiques, elles sont absolument bannies... C'est pourtant le contraire qui est dit dans ce passage : "Si tu n'as pas de guide alors tu peux avoir recourt à ces béquilles d'une certaine technique" tout en précisant bien qu'une attitude d'absolue humilité devant le Seigneur est première et indispensable. Si des hommes de cette époque, des moines, ont eu besoin de certaines béquilles pour s'aider dans leur pratique, que dire pour nous aujourd'hui dans la tourmente de ce monde matérialiste et vide de sens ? Alors je ne m'inquiète plus, après tout n'est-ce pas aussi un manque de foi  que de se troubler à cause de cela ? J'invoque seulement et j'écoute mon invocation comme d'autres écoutent leur lecteur MP3, ça c'est au moins inoffensif pour mes oreilles. Le danger, s'il y en a, je l'accepte...  le danger est inhérent à la vie...
Le père spirituel je continue à le chercher, en invoquant le Nom, ainsi, de ce côté -là, je n'attends non plus aucun résultat et je vais...

jeudi 8 décembre 2011

68ème jour. Secours dans le combat.

La lutte contre les pensées passionnées  est quelque chose de totalement insurmontable pour un pauvre être humain. Mais nous ne sommes pas seul, Jésus est avec nous dans le combat et parfois au moment ou nous sommes le plus abattu, dépourvu de tout soutient, où il n'y a plus d'issue, il nous envoie un secours extérieur. Souvent ce n'est ni un prêtre, ni un moine, ni le starets de nos rêves qui viennent à notre secours, mais un pauvre... un pauvre du Christ...

dimanche 4 décembre 2011

64ème jour. Application.

Juste s'appliquer à la prière de Jésus, lentement, consciemment, humblement, sans rien attendre d'autre que la présence du Nom. Il faut que l'esprit se souvienne, par-delà le temps, que son tropisme primordial, naturel, est d'être tourné vers le cœur, qu'il se souvienne que le repos l'entraine naturellement, par gravité, vers le lieu du cœur, qui est comme le soleil en l'Homme.
Mais il n'y a rien d'idyllique dans la pratique de la prière de Jésus, en effet, en notre réalité déchue, elle prend le caractère d'une lutte parfois intense, car l'Ennemi ne redoute rien d'autre autant que la prière du cœur, qui commence par la pratique de la garde soigneuse du cœur et des pensées. Il ne redoute rien autant que cette "inaction" sacrée qui voile l'Action intérieure de l'âme à la recherche de son Dieu. Il fera tout pour nous décourager. À l'heure de la prière, il faut rester inflexible dans l'invocation du Nom et trancher à la racine toute, je dis bien toute, pensée, bonne ou mauvaise, par l'attention paisible au Nom de Jésus. Ce n'est pas du quiétisme, loin de là, c'est de la non-violence intérieure, l’œil de l'âme fixé sur le Nom divin, Soleil de Justice.

mardi 29 novembre 2011

59ème jour. Ascèse sans violence.






"Bienheureux l'homme qui a son espérance dans le Nom du Seigneur,
et qui ne se détourne pas pour regarder la vacuité et les folies erronées [de ce monde]" Ps 39.
Je note juste une chose aujourd'hui : dans le Nom de Jésus pas de colère, pas de haine ni de ressentiments, pas de peur ni de stress, pas de sentiment de solitude, mais la sensation d'être uni à tous, de voir l'humanité embrassée par le Nom et de poursuivre pourtant sa course folle dans l'ignorance et les conditionnements des subtils circuits peccamineux de ce monde. Enfin, l'impression de n'être rien d'autre qu'un tout-petit au sein de sa mère, et de ne dépendre en tout et pour tout que du Nom.
Comment des prêtres et des religieux peuvent dire que la voie de l'invocation du Nom peut-être dangereuse ? Quel danger peut-il y avoir a invoquer sans cesse le Nom très doux de Jésus ? Il faudrait que l'on enseigne cette voie au contraire, ô combien il faudrait qu'on l'enseigne ! Comme elle pourrait être bénéfique et apporter la paix ! Dans le Nom il y a déjà la Présence du Dieu-Homme, Fils et Verbe de Dieu et Dieu lui-même, celui-là même qui a dit : "Qui m'a vu a vu le Père", et : "le Père et moi nous sommes Un". Cette Présence ne se révèle pas à nous car notre âme est troublée et trouble comme de l'eau boueuse. Mais dans le Nom de Jésus, justement, elle trouve le repos et le limon se dépose peu à peu et l'eau redevient doucement limpide, transparente et potable sans autre procédé que le calme et le repos. Le Nom de Jésus est à la fois une ascèse sans violence et l’aboutissement de cette ascèse.

vendredi 25 novembre 2011

55ème jour. Prière de Jésus ou prière à Jésus ?

Cette appellation de "prière de Jésus" donnée à la formule la plus répandue de cette prière "Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur" m'a toujours intrigué. En effet, il s'agit plutôt d'une prière à Jésus. Alors d'où vient cette désignation de "prière de Jésus" ? À mon avis elle vient des origines même de la prière qui devait consister en l'invocation du seul Nom de Jésus. Alors cette appellation deviens claire : "prière de Jésus" = "prière consistant en la répétition du seul Nom de Jésus". Si on demande sa pitié, que nous implorions sa miséricorde, que nous supplions pour avoir sa paix, son pardon ou quoi que ce soit d'autre, il s'agit bien d'une prière adressée à Jésus pour qu'il nous accorde tel ou tel bien. Mais l'invocation du Nom seul est par excellence "la prière de Jésus".
On peut bien sûr étendre cette appellation à toute invocation portant le Nom de Jésus dans sa formulation, mais dans ce cas on peut tout aussi bien appeler l'Ave Maria catholique "Prière de Jésus", surtout dans sa forme latine, où le Nom de Jésus, Iesus, en est exactement le centre car il est encadré par quinze mots avant et quinze mots après, ce qui n'est certainement pas un hasard.
La prière de Jésus n'est pas une demande, elle est LA demande qui contient toute les autres... le Nom de Jésus est pour nous, ici bas, la seule source de tous les biens. "Et l'Esprit-Saint, le Trésor de tout biens ? Qu'en est-il alors de lui ?", pourriez-vous me rétorquer. Et bien, il est celui qui en nous forme le Nom de Jésus et le vivifie pour en faire un véritable sacrement, une icône verbale...

jeudi 24 novembre 2011

54ème jour. Et lux perpetua...

Il y a parfois des coïncidences étranges :
Sixième jour de travail à l'hôpital et, juste en début de  matinée, alors que j'avais déjà l'impression d'être arrivé à totale saturation, il a fallu gérer le décès d'un patient pas très âgé et le chagrin énorme de sa fille qui s’occupait de lui à domicile. Charge émotionnelle terrible !
En fin de matinée un aide-soignante m'appelle pour que je vienne voir le corps de la personne toilettée et habillée, afin de m'assurer qu'il  était présentable pour la famille, alors que nous nous apprêtions de sortir tout deux de la chambre, ne pouvant plus tenir, malgré l'agnosticisme total de l'aide-soignante, je me retourne vers le patient et traçant un signe de croix en l'air je dis :
"Requiescat in pace, et lux perpetua luceat ei"... et juste à cet instant la lumière de la chambre s'éteint, ainsi que dans tout l'établissement. Cela a eu évidemment un petit effet sur ma collègue qui, sursautant, s'est écriée :
"Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que tu as dit ?"
Et moi du tac-au-tac, calmement.
"C'est une prière en latin : "Que la lumière éternelle brille sur lui ; comme il n'a plus besoin de la lumière de ce monde, tout s'éteint pour signifier cela..."
En fin de journée, après une réunion assommante sur la dernière version du "logiciel patient", l'aide-soignante me reparle encore de cet évènement, qui peut évidemment s'expliquer par un simple coïncidence, encore ébranlée dans son agnosticisme finalement très ténu et fragile et témoigne ainsi de ce fond religieux toujours prêt à se réveiller... Que faire alors ? Je ne sais pas...



dimanche 20 novembre 2011

50ème jour. L'incarnation du Nom.

Le Nom de Dieu contient la Divinité. Elle s'y repose comme dans un temple sacré. Par son incarnation le Verbe a assumé une chair humaine et tout ce qui fait la faiblesse de sa condition, hormis le péché et l'a uni à la Divinité. Par cette même incarnation, le Nom Divin a assumé un nom humain, Jésus, nom propre courant à l'époque de l'incarnation du Fils, et lui a donné tout le poids de sa propre gloire. Jamais l'invocation du Nom n'est quelque chose de quelconque, un évènement vain, chaque invocation du Nom est salutaire au sens fort et plein du mot.
"...et il n'y a pas de salut en aucun autre Nom sous le ciel donné aux hommes, par lequel nous faut être sauvés." Ac 4 : 12 (Traduction littérale d'après le Latin, car les traductions scientifiques actuelles, conforme à leur esprit amoindrissent la portée extraordinaire de ce verset.)

 

vendredi 18 novembre 2011

48ème jour. Comme un petit grillon dans la nuit.

Pour parvenir à ancrer la prière de Jésus dans le cœur, il faut longtemps "faire ses gammes", avec la même concentration, la même application que celle d'un enfant passionné qui apprend à jouer d'un instrument de musique. Mais il ne faut pas oublier que le véritable virtuose est celui dont  la maîtrise technique acquise par des années de labeur est soudain habitée par le génie de l’œuvre qu'il interprète.
Quant à moi, je suis comme un petit grillon dans la nuit qui, inlassablement, poursuit son petit et insignifiant crin-crin vers le ciel étoilé, ignoré de tous... mais qu'importe, n'est-il pas lui aussi dans la main de Dieu ?

mercredi 16 novembre 2011

46ème jour. Attention et observation détachée.



La pensée précède l'action. Le plus important est donc de bien penser pour bien agir. Il faut se demander : "comment faut-il  penser ?", plutôt que : "comment faut-il agir ?"
Quand la pensée est complètement "fondue" dans l'invocation du Nom théanthropique  de Jésus, il n'y a plus aucune action extérieure, mais seulement une action intérieure : l'attention et l'observation détachée des pensées, et une seule qualité : la sobriété. L'attention et l'observation dans la sobriété ordonne l'acte extérieur à cette action purement intérieure irriguée et vivifiée par l'énergie divine qui émane du Nom.
L'homme peut alors arriver à poser, peut-être, une action juste.