dimanche 16 octobre 2011

13ème et 14ème jour : angoisse et dilatation du coeur.

Litanie des temps modernes :

Lexomyl®, xanax®, tranxène®, temesta®, dieux issues de la sacrosainte molécule mère : Valium®. Le rôle de ces divinités auxquelles tant de nos contemporains rendent tous les soirs un culte et un cérémonial pour s'assurer une petite nuit de sommeil sans être rongé par les soucis et le stress : atténuer l'angoisse. Ce sont des anxiolytiques : littéralement "Tueurs d'angoisse".
Je ne juge aucunement tous ceux qui y ont recours. J'ai eu ma période "xanax®". Molécule qui me donnait d'ailleurs de sacrés trous de mémoire. (Le monde médical parle depuis peu du possible rôle de ses molécules, avec les hypnotiques ou somnifères, dans la genèse de la maladie d'Alzheimer...). Peut-être un jour serai-je contraint d'en reprendre ? Je ne suis ni plus fort ni meilleur qu'un autre, mais ce terme "angoisse" et quelques expériences vécues ces jours-ci, dans le cadre de cette période de prière que j'essaie de rendre plus intensive, m'ont donné à réfléchir.

L'angoisse, du latin angŭstĭa signifiant étroitesse, resserrement, exprime bien une sorte d'effondrement sur soi, un étranglement dans un filet psychique tressés par les pensées d'inquiétudes et de perte d'espoir, qui petit à petit resserre le psychisme de la personne jusqu'à l'étouffer, à la confiner dans un espace qui semble sans issue aucune. Tant que ce phénomène est contrebalancé par un apport de pensées teintées de plaisir et d'espoir il peut y avoir un équilibre, avec ou sans l'apport de médicaments, mais si l’habitude de s'appuyer sur des "béquilles chimiques" est prise, cela ne peu que s’aggraver avec le temps, par accoutumance d’abord, puis par réduction du "champs des possibles" qui ne fait que s'accroître avec l'avancée dans l'âge. Réduction du champs des possibles, ou réduction du champ d'illusions possibles ? On a beau se dire que la vie commence à 40 ans, puis 50 ans, puis 60 ans voire 70, que l’espérance de vie s'alooooooooooooooonge... viens un moment où l'un des trois inévitables nous rattrape (Attention ! Ici, partisans de l'esprit positif envers et contre tout, cessez votre lecture, si ce n'est déjà fait !). Les trois inévitables ? La maladie, la vieillesse et la mort... Qui n'a jamais éprouvé de l'angoisse en pensant à l'un de ces trois ? Il vaut mieux éviter d'y penser... Oui, oui... Sauf que, je ne sais pas si vous l'avez déjà remarqué, mais la pensée à une fâcheuse tendance à ne pas nous obéir... S'en est même parfois à se demander si c'est moi qui pense ou si c'est la pensée qui me pense... "Je suis pensé donc je ne suis pas... ?"
Ce qui est sûr, c'est que la pensée est la genèse et la source de l'angoisse. La réflexion qui ne réfléchit plus, justement, que le créé et le périssable ; une de mes expressions favorites : "Ce monde corruptible" que j'évoque quand je fais mémoire d'une personne qui l'a quitté, ce monde corruptible, pour de bon, pour toujours.
Quel est le remède alors ? Ne plus penser : impossible. Et attention au retour du refoulé dans le sub, ou plutôt, l'infra-conscient... Alors ?
L'antonyme latin d'angŭstĭa est dilatatio. Mot que l'on retrouve souvent dans les psaumes. C'est toujours pour décrire une "dilatatio cordis", une dilatation du cœur... est c'est toujours une réponse de l'Incréé, du Présent, de Tout-autre, de l'Ouvert : Dieu, une réponse à une situation d'angoisse et d'oppression sans issue.
Le mental ne peut rester vide. Il doit toujours se saisir d'un désir, d'une perception, d'une sensation, pour meubler le vide d'un enchainement continu de pensées. Si les désirs, perceptions et sensations sont bons alors tout va plutôt bien, mais ici-bas plaisir et souffrance sont les deux facettes d'une même réalité. Et cette réalité duelle est le moteur à 99 % de la pensée qui ne fonctionne que dans un but : éviter la souffrance et ressentir du plaisir.
Pour nous, chrétiens, les pères nous conseillent de donner comme nourriture au mental le Nom du Sauveur, Jésus, (celui justement qui met au large), à l’exclusion de toute autre pensée et d'éviter toute sorte d'imagination. C'est un voie étroite, angustia (angoissante ?), c'est une ascèse, un exercice et un  repentir (je ne peux plus rien par moi-même, je tourne en rond dans un cercle sans fin, voilà mon mal, voici ma souffrance et, SVP, plus de succédanés qui prolongeront le calvaire, je me tourne vers toi Seigneur !)
Nous pouvons commencer, 5 ou 10 minutes à nous exercer à cette bienfaisante pratique. L'esprit part dans tous les sens : tant mieux ! C'est bien la preuve que je n'ai aucun contrôle sur la pensée que je crois être mienne... pas plus que sur mes cheveux qui blanchissent tout seul...
Un peu de persévérance : puis c'est un arrêt, une vacance, une pause, un repos, un rafraichissement.
Mais je ne vais tout de même pas resté planté là immobile comme une statue, et la charité dans tout ça ? Il faut aimer le prochain et patati et patata... (voilà l'autre qui recommence.)
Un peu de persévérance : C'est une présence à l'instant présent maintenant, seule ouverture à la Présence.
Parfois un douce et calme chaleur, comme d'être rentré au bercail et d'y être accueilli...
Puis une dilatation peut-être, Dieu voulant, la sensation d'être au large, d'être délivré de l'angustia. Il peut continuer à y avoir des pensées mais on est comme tiré hors de leur flots incessant et tourmenté. C'est étrange : elle ne me concernent plus...
La charité ? Oui ! il y a, pour nous chrétiens, deux commandements les premiers et les plus grands, et les deux ne font qu'un je crois :
1°) Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée,
2°) et le second qui lui est semblable : et ton prochain comme toi-même.
Dites-moi comment aimer le Seigneur de toutes sa pensée sans y consacrer toute sa pensée à l'exclusion de toute autre chose ? Pour cela la prière de Jésus me semble un bon moyen... Comment aimer son prochain comme soi-même, sans avoir d'abord arrêter le moteur perpétuel de la fuite de la souffrance et de la recherche du plaisir ? La philautia, l'amour de soi, ne peut-être guérie que si l'on accepte de se laisser aimer par l'Autre, le Tout-autre... Seul remède, seule guérison possible...
Il n'y a qu'un seul moyen pour devenir bons : c'est de ne plus souffrir.
Il n'y a qu'un seul moyen pour ne plus souffrir c'est d'être comblé.
Il n'y a qu'un seul moyen pour être comblé c'est de recevoir le Bien infini.
Il n'y a qu'un seul moyen pour recevoir le Bien infini c'est de se détourner de ce qui est mal et fini.
Il n'y a qu'un seul moyen pour se détourner de ce qui est mal et fini : la foi et l’espérance...
Ô Dieu miséricorde !





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